A Third Way For Museums

Massimo Bergamini

Les musées devraient être les thermostats de la culture, parce qu’il est essentiel pour la survie de toute culture de maintenir un équilibre dynamique dans ses environnements symboliques. Et pour y parvenir, ses institutions éducatives doivent fournir ce que ses institutions économiques, politiques et sociales ne parviennent pas à fournir.
— Neil Postman (1994)

« Une époque de complexité et de crise », c’est ainsi que les auteurs d’une lettre de mandat adressée à la nouvelle direction de l’Association des musées canadiens en mai dernier ont décrit ce moment que traverse notre communauté muséale. »

Même si ce n’est peut-être pas tout à fait à la hauteur de la citation de Dickens, « C’était le meilleur et le pire des temps », la lettre et le cadrage de la situation actuelle par ses auteurs suggéraient les mêmes implications dichotomiques : les musées n’ont jamais été aussi importants qu’aujourd’hui, mais ils n’ont jamais eu autant de mal à trouver leur place.

Le sociologue et critique culturel Neil Postman, décédé en 2003, soutenait dans un article de 1994 que le but des musées était d’apporter des réponses à la question : « Qu’est-ce que cela signifie que d’être humain ? ».

Dans notre propre pays, l’éveil d’une nouvelle conscience nationale fondée sur les vérités autochtones plutôt que sur des mythes coloniaux, conjugué à l’urgence de réinventer un mode de vie alimenté par une abondance de carbone, remet en cause non seulement notre sens de l’identité canadienne, mais aussi notre sens de l’appartenance à l’humanité.

Si Postman avait jeté un coup d’œil rapide à l’incertitude et au désarroi existentiel auxquels nous sommes confrontés au Canada, il aurait pu conclure que les musées seraient en première ligne pour fournir la base solide qui permettrait aux Canadiens de tracer une voie pour l’avenir.

Un point de vue tout aussi optimiste, mais plus contemporain, a été exprimé par Bob Janes, membre de l’AMC et fondateur et coprésident de la Coalition of Museums Climate Action. Décrivant le rôle que les musées devraient jouer dans la lutte contre le changement climatique, Janes a fait valoir que « … les musées et les galeries sont particulièrement qualifiés pour aider à atténuer la crise climatique et à nous y adapter, en raison de leur combinaison singulière d’éléments tels que la conscience historique, le sens du lieu, la gestion à long terme, leur base de connaissances, leur accessibilité pour le public et la confiance sans précédent du public. »

Et d’ajouter : « Aucune institution sociale n’a un sens du temps plus profond que les musées et les galeries, qui, de par leur nature même, sont prédisposés à élargir leur vision du temps en tant que gardiens de la biosphère ».

Pourtant, loin d’être les thermostats de la culture ou les gardiens de la biosphère envisagés par Postman et Janes, de nombreux musées peinent aujourd’hui à trouver leur voie à un moment où ils devraient être à l’avant-garde.

Pour les musées, le défi de trouver une pertinence culturelle dans un marché d’informations et d’idées fragmenté par de nouveaux médias concurrents et souvent éphémères est aggravé par la nécessité de naviguer parmi les priorités souvent concurrentes des donateurs et des organismes de financement gouvernementaux.

Après tout, comme nous le rappelle Jenny Gibbs, ancienne doyenne des programmes d’études supérieures du Massachusetts College of Art and Design : « Sans marge, il n’y a pas de mission. Rester rentable est le seul moyen pour un musée de maintenir sa mission en vie ».

Les musées sont-ils donc destinés à ne pas jouer le rôle transformateur que tant de gens leur attribuent ?

Leurs dirigeants — conseils d’administration et directeurs — sont-ils contraints à un choix hobbesien : s’en tenir à la sécurité du juste milieu culturel et garder les lumières allumées, ou défier les normes sociétales (et politiques) et risquer de perdre leur financement ?

La réponse est non. Heureusement, il existe de plus en plus d’exemples d’établissements muséologiques qui se libèrent des chaînes de la pensée traditionnelle en faveur d’une troisième voie fondée sur un plus grand engagement communautaire et populaire.

Et parce que ce modèle est basé sur un engagement ascendant, la bonne nouvelle est qu’il ne doit pas nécessairement aboutir à la Disneyfication des musées et des établissements patrimoniaux.

Ce modèle considère le musée comme une plateforme de cocréation et de cointerprétation.

Tout comme les premiers produits Apple ont permis de libérer et d’exploiter des sources de créativité inconnues en leur offrant une plateforme sur laquelle ils pouvaient expérimenter, développer et finalement monétiser leur imagination, les musées peuvent faire le même exercice dans et pour nos collectivités.

Cette troisième voie exige de l’humilité de la part des dirigeants de nos établissements muséologiques. Elle exige de se débarrasser des méthodologies acceptées — et, ce qui est le plus difficile et le plus important, — elle exige d’accepter la perte de contrôle à une époque de changements rapides et importants.

Mais comme nous le rappelle Bob Janes, « Maintenir un musée statique, alors que les valeurs des personnes et des collectivités changent, c’est condamner ce musée à un moment où les valeurs individuelles et sociétales sont en pleine évolution. »

Neil Postman croyait que les musées étaient différents des autres « institutions économiques, politiques et sociales traditionnelles ». Mais il faudra un acte de volonté politique, de leadership et de courage pour que ces « thermostats de la culture » puissent remplir leur rôle unique dans nos sociétés. M

Massimo Bergamini
Directeur général et PDG

Publicité